Camille Bardin est critique d’art indépendante et co-présidente de Jeunes Critiques d’Art. À L’occasion de ses 160 ans, la SNBA célèbre le monde de la culture et les personnes qui le font. Découvrez notre échange avec Camille Bardin et apprenez-en davantage sur son parcours, son métier, ses inspirations.
Quelle(s) expérience(s) et quel(s) chemin(s) vous ont menée à devenir commissaire d’exposition ?
Alors que je me prédestinais à être journaliste politique, mes premières expériences m’ont menée à travailler pour les rubriques culture de plusieurs rédactions. J’ai écrit sur la littérature, l’opéra classique, les programmes télé… J’ai pu découvrir l’art contemporain par ce biais. Cela m’a énormément plu puisqu’il représentait une synthèse de tout ce que j’avais envie de faire : de la philosophie, de la psychologie, des études d’économie, de politique. C’est ensuite sur le terrain que je me suis formée à l’histoire de l’art, en intégrant des rédactions spécialisées en art contemporain, puis en travaillant aux côtés de commissaires d’exposition. Cette presse spécialisée ne m’a pas comblée très longtemps. J’avais l’impression de devoir encenser chacune des expositions que je voyais, y compris celles où je n’avais pas mis les pieds, car nous travaillions beaucoup sur dossiers de presse. C’est à ce moment que je me suis lancée à mon compte [en 2016] et que j’ai rejoint le collectif Jeunes Critiques d’Art. J’y ai trouvé une liberté absolue !
Comment définiriez-vous votre métier de critique d’art et de commissaire d’exposition ?
Les termes « critique » et « commissariat » peuvent faire un peu peur. La critique d’art est pourtant loin d’être dévalorisante. Mon travail consiste à travailler main dans la main avec les artistes. Il s’agit d’un accompagnement, de recherches et d’engagement.
L’accompagnement, car je suis les artistes dans leurs démarches, je vais à leur rencontre, je m’intéresse à leurs cheminements. La recherche, car elle occupe les ¾ de mon temps — seule face à un ordinateur ou un livre. Enfin, l’engagement, car il est essentiel de prendre la parole pour faire entendre les voix qui sont moins entendues que d’autres.
J’aime également me dire que la critique d’art ne se résume pas à l’écriture d’un texte. Cela peut être plus plastique, plus pluriel. Aujourd’hui, j’explore de nouveaux formats et espaces pour partager mes critiques, notamment à travers mon podcast. Dans cette dynamique-là, le commissariat s’est présenté comme une évidence. Au fur et à mesure de mes rencontres et de mes critiques, j’ai eu envie de voir tel•le et tel•le artiste travailler ensemble et telle œuvre et telle œuvre dialoguer ensemble. Mes sujets de prédilection se sont dessinés et le commissariat m’a permis de les mener dans des espaces d’exposition.
Comment organisez-vous une exposition/une critique d’art ?
Je viens de l’école Jeunes Critiques d’Art qui distingue trois types de rubriques :
- Les critiques d’exposition
- Les portraits d’artistes
- Les touches critiques qui représentent des visions grand-angle sur le monde de l’art et son fonctionnement
Le format portraits d’artistes est celui que j’ai le plus exploré jusqu’à présent. J’aime me plonger dans une pratique et essayer de la décortiquer. Cela commence souvent par une rencontre avec l’œuvre — je découvre le travail d’un•e artiste dans une exposition, au cours d’une discussion ou encore sur Instagram où des milliers de portfolios sont à ma disposition. Vient ensuite l’échange avec l’artiste pour comprendre son travail, ses références. À la suite de cela, j’entame la phase de recherches pour creuser toutes les références qui façonnent sa pratique. Mis bout à bout, cela me mène à brosser son portrait.
Quel(s) projet(s) vous a le plus marquée ? Pourquoi ?
Jeunes Critiques d’Art ! Ce collectif dans lequel nous — critiques d’art — travaillons tous et toutes bénévolement. Il nous permet de tenir dans le monde de l’art, de gagner en visibilité, d’échanger, d’être stimulé•e•s, de se faire relire. Jeunes Critiques d’Art a été un moteur dans ma carrière. L’objectif de Jeunes Critiques d’Art est de sortir du huis clos de l’écriture et cela a un impact sur nos démarches respectives. À plusieurs on est plus fort•e•s.
Mon podcast Présent•e est l’autre projet qui me tient à cœur. J’ai voulu investir cette forme-là pour diffuser des échanges accessibles avec les artistes, en réponse aux nombreuses parutions plutôt très opaques de l’art contemporain. Dans l’art contemporain, la médiation est nécessaire et la parole des artistes est clé. Ils et elles convoquent de nombreuses références — parfois invisibles de prime abord. Contrairement à l’écriture qui peut s’avérer aride et bloquante, le podcast offre une autre porte d’entrée. Quand on a la parole de l’artiste, quand on a accès à ses références, ses réflexions et ses recherches, on multiplie les chances d’être sensible à sa pratique et de vouloir en savoir plus.
Enfin, quelles sont vos inspirations ? En quoi vous portent-elles dans votre quotidien ?
Le militantisme féministe et toutes les ressources sur le féminisme intersectionnel font partie intégrante de mes réflexions. C’est la source même du dynamisme de ma pratique. J’essaye d’investir l’espace critique pour mette en avant certains et certaines artistes qui motivent la création d’un nouvel imaginaire, qui impactent de nouvelles possibilités d’existence.